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Le chant d'Achille - Madeline Miller

Dernière mise à jour : 24 janv. 2022


"Chante, déesse, la colère d’Achille, le fils de Pélée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d’âmes fières de héros."

Iliade, I, 1-7, trad. Paul Mazon.


Madeline Miller, auteur américaine férue de mythologie, se laissait bercer lorsqu’elle était petite par la voix de sa mère lui contant les récits de l’Iliade et l’Odyssée. Pour elle, nul doute : Achille et Patrocle étaient amants. La célèbre fureur d’Achille à la mort de Patrocle est d’ailleurs l’évènement qui précipitera la chute de Troie. Avec cette réécriture moderne du mythe, elle offre un regard neuf sur la légendaire Guerre de Troie.


Mais l’histoire racontée ici commence bien des années plus tôt. Une Iliade avant L’Iliade. Patrocle est né fils de roi. Il grandit dans l’ombre d’un père sévère qu’il déçoit par sa petite taille et ses maladresses. Exilé et renié à la suite d’un drame, il est accueilli sur l’île de Phtie, le royaume de Pélée et de son fils Achille.


Achille, le demi-dieu, l’éblouit aussitôt. Promis à la gloire dès sa naissance, fruit de l’union de Pélée et de la néréide Thétis, le héros n’a alors qu’une douzaine d’années mais déjà, ses prouesses physiques et sa beauté solaire entretiennent sa légende. Les deux garçons que tout éloigne se rapprochent, Achille place le jeune Patrocle sous sa protection en le choisissant comme therapon – « frère d’armes ayant juré fidélité et amour au prince par un serment de sang »


Malgré une déesse contrariée – Thétis regarde d’un mauvais œil la relation qui lie son fils au jeune exilé – ils sont élevés ensemble sur les rivages de Phtie puis sur le mont Pélion auprès du centaure Chiron, mentor d’Ulysse, Jason, Héraclès, et autres grandes figures mythologiques. Mais bientôt la guerre s’annonce et vient interrompre le début de leurs amours adolescentes. Dans toute la Grèce, on ne parle plus que de l’enlèvement d’Hélène par Pâris. Les émissaires d’Agamemnon recherchent activement les héros qui combattront les princes de Troie.

« Je compris tout à coup la portée des paroles du centaure : tout le monde dirait qu’Achille était destiné à la guerre. Que ses mains et ses pieds si rapides avaient été créés dans le seul but de forcer les imposants murs de Troie. Ils le jetteraient en pâture aux milliers de lances troyennes pour le regarder triomphalement tâcher ses doigts blancs de rouge. »

Les prophéties l'encerclent : Troie signera sa gloire mais aussi sa perte, Troie ne pourra tomber sans Achille. Si son destin guerrier et la faiblesse tragique de son talon sont un des épisodes les plus connus de l’Iliade, bien d’autres sont tombés dans l’oubli, comme les circonstances de la naissance de son fils Pyrrhus. Le roman devient le théâtre de ses hésitations d’homme, de l’angoisse de Patrocle qui coûte que coûte essaie de contrer la prophétie.


À travers cette réécriture du mythe, c’est un autre Achille que celui de L’Iliade qu’on découvre sous la prose moderne de Madeleine Miller. Par le truchement du regard de Patrocle, on en oublie le guerrier. Il devient palpable, respirable : la légende a désormais une odeur précise – olive, amande, embruns – des yeux verts aux paillettes d’or, un rire clair comme l’eau de roche. Un demi-dieu qui accepte sa prophétie funeste mais refuse de renoncer à son humanité et à l’Olympe, où Patrocle ne pourrait le suivre.


Patrocle, l’amant de l’ombre, éclaire d’un regard neuf la Guerre de Troie, ses mythes et ses légendes éternels, berceau de notre littérature.







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