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Au pays du p'tit - Nicolas Fargues


« Un p’tit resto, un p’tit ciné, un p’tit café, une p’tite balade, un p’tit week-end, un p’tit bordeaux, un p’tit dessert » : ça vous parle ? Bienvenue en France, ce pays où tout est sujet à la diminution.

C'est un roman plein de verve, qui raconte la promotion internationale de Romain Ruyssen, auteur d'un essai qui déclenche les foudres des journalistes, intitulé - devinez comment - Au pays du p'tit. Il est lui-même le prototype fini du quadra français suffisant, reportant sa haine de soi sur ses congénères.

Le narrateur vient donc s'ajouter à notre liste d'anti-héros au cynisme réjouissant : le french bashing est roi dans ce livre.


La France, ce pays où ça va comme un lundi

L'auteur prend un malin plaisir à dézinguer les particularismes français. Ça commence à Moscou, où il est invité à la Maison des Artistes pour une semaine de conférences mettant son pays à l'honneur. Et le voilà qui explique à un auditoire médusé que si son livre est traduit en russe, ce n'est vraiment pas pour sa qualité, mais par une obscure politique du Ministère de la culture, consistant à diffuser la culture française à l'étranger, pour des résultats de vente quasi nuls :

«Les seuls éditeurs étrangers faisant l’effort de traduire, de promouvoir et de défendre à leurs frais les auteurs français contemporains sont en général allemands, italiens ou espagnols. Les Allemands par goût bourgeois de l’encanaillement, car les Français leur paraissent depuis toujours un peuple brouillon mais divertissant. Un peu à l’image de l’acteur Louis de Funès, qu’ils adorent. Les Italiens et les Espagnols parce qu’ils nous sont frontaliers et qu’ils considéraient, jusqu’au dévoilement par Bruxelles de notre abyssal déficit public, qu’en tant que nation latine économiquement plus avancée que la leur, nous avions nécessairement quelque chose à leur enseigner. Quant à l’anglais, inutile d’en parler, nous n’existons tout simplement pas dans cette langue. »

Ce roman mériterait une compilation de citations pour vous montrer jusqu'où va le fiel du narrateur : « Américains et Britanniques nous prennent, à raison, pour des dilettantes satisfaits et sans vision. Bref, beaucoup de bruit pour rien. Beaucoup de France pour pas grand-chose. »

À Moscou, il se laisse prendre au jeu d'une jeune étudiante russe : à quarante ans, sa principale préoccupation est de se sentir désirable. Macho odieux, il trompe allègrement sa compagne, compte ses cheveux blancs comme ses érections. Mais les sales types dans les livres sont souvent les plus drôles.

Drôle lorsqu'il raconte que le Français est bourré de « symptômes d’un refoulement névrotique de ce sentiment général de culpabilité : râlant, soufflant par le nez, gonflant les joues, roulant des yeux, abusant des rhôlâlâââ et des pfff, le Français possède (phénomène également unique au monde) tout un lexique corporel et une gamme variée d’onomatopées pour exprimer son exaspération congénitale, véritable sport national. »

On se demande qui est le pire, de Nicolas Fargues, l'auteur, ou Romain Ruyssen, le narrateur : la plume est clinique, incisive et n'épargne pas le personnage principal, lui-même un affreux condensé des propos qu'il porte contre les autres. Au pays du p'tit est une critique dans la critique, savamment menée et jubilatoire !

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