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Le mystère Henri Pick - David Foenkinos


Impossible de résister à un pitch pareil : au fin fond de la Bretagne, sur la presqu'île de Crozon, un bibliothécaire décide de recueillir tous les manuscrits refusés par les éditeurs. Cette idée ingénieuse est inspirée d'une anecdote des années 1990, quand un fan de l'auteur américain Richard Brautigan lui rend hommage en créant la "Bibliothèque des Refusés" (Brautigan Library). Un véritable cérémonial accompagne cette initiative : pour être accepté dans cette bibliothèque hors-normes, il faut venir y déposer soi-même son manuscrit et l'installer dans les rayonnages : un acte sacrificiel d'adieu en somme.



Le manuscrit mystère Quand le bibliothécaire meurt de son bel âge, la bibliothèque des refusés aurait dû le suivre dans la tombe. Jusqu'à ce qu'une jeune éditrice de chez Grasset, en vacances dans le coin, aille y faire un tour et découvre un manuscrit remarquable : une histoire d'amour relatée en parallèle des dernières heures de Pouchkine, l'écrivain russe. Signé d'un certain Henri Pick, déjà mort depuis quelques années et pizzaiolo de son état, l'histoire fleure bon le succès marketing. Mais la veuve d'Henri Pick assure qu'il n'a jamais écrit autre chose dans sa vie qu'une liste de courses : le mystère est complet, trop beau pour être vrai. La machine médiatique s'emballe, François Busnel fait le déplacement jusqu'à Crozon, les ventes du livre dépassent toutes espérances. Et c'est l'hystérie chez les éditeurs parisiens : certains vont même jusqu'à récupérer des manuscrits moisis et les publier avec un bandeau rouge racoleur "Un livre refusé 32 fois" (carton plein, le livre dépasses les 20 000 ventes). Les spéculations vont également bon train : Beigbeder raconte qu'il est Henri Pick, la veuve et la fille du défunt pizzaiolo sont rattrapées par une notoriété qu'elles ont du mal à comprendre. Jusqu'à ce qu'un journaliste sur le déclin, récemment viré du Figaro Littéraire et nouvel outcast du petit milieu éditorial, commence à fourrer son nez dans cette affaire un peu suspecte : pour retrouver un peu de reconnaissance, il se targue de prouver qu'Henri Pick n'a pas écrit ce livre. Toute une galerie de personnages secondaires accompagne cette grande mascarade littéraire : dont l'auteur frustré, compagnon de l'éditrice, qui nous raconte ses succès en demi-teinte et sa jalousie grandissante enevers le succès de Pick: " On croit que le Graal est la publication. Tant de personnes écrivent avec ce rêve d'y parvenir un jour, mais il y a pire violence que la douleur de ne pas être publié : l'être dans l'anonymat le plus complet. Au bout de quelques jours, on ne trouve plus votre livre nulle part, et on se retrouve d'une manière un peu pathétique à errer d'une librairie à l'autre, à la recherche d'une preuve que tout cela a existé. Publier un roman qui ne rencontre pas son public, c'est permettre à l'indifférence de se matérialiser." La machine éditoriale française​ Cette histoire farfelue révèle, pour le plus grand plaisir du lecteur, les rouages du système éditorial actuel. À l'heure où le marketing et le storytelling sont rois, on comprend que ce n'est pas tant le fond qui importe que la forme. L'histoire du manuscrit seule suffit à faire vendre le roman. Foenkinos, jamais méchant, fait le jeu d'une critique légère, bon-enfant, réjouissante.

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