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La septième fonction du langage - Laurent Binet


Impossible de deviner l'humour qui se cache derrière le sérieux du titre : la sémiologie, la linguistique et leurs cousines apparentées n'ont en temps normal rien de sexy.

Mais avec Binet, la linguistique devient quelque chose de "fun" : on rit même à gorge déployée ! Certains vous diront qu'il s'agit d'une vaste farce, que mélanger sémiologie, espions bulgares, politique, polar et combats ninja donne du grand n'importe quoi : et pourtant ils auront tort, car la farce rend les concepts plus accessibles et les linguistes presqu'attachants.

Le 25 février 1980, Roland Barthes est fauché par une camionnette de blanchisserie alors qu'il se rend au Collège de France. Il meurt quelques jours plus tard des suites de cet accident. Mais voilà que l'auteur imagine que ce n'était précisément pas un accident : il ouvre l'enquête avec un commissaire bourru, inculte, xénophobe, qui répond au nom de Bayard. Qui donc a tué Roland Barthes ? Binet s'amuse avec l'Histoire et lui fait emprunter des chemins burlesques qui devraient vous ravir : victime d'un vaste complot, qui implique d'un côté la clique des linguistes (BHL, Sollers, Kristeva, Deleuze ... ) et de l'autre Mitterrand et Giscard, en pleine guerre présidentielle, Barthes se voit dérober un document très confidentiel, classé sécurité nationale. Ce n'est autre que cette fameuse septième fonction du langage. Qu'est-ce donc que cette septième fonction du langage ? Le mobile du crime, certes, mais aussi une arme dangereuse, une nouvelle fonction du langage manipulatrice permettant de convaincre son auditoire, de vaincre son interlocuteur. D'où la guerre Giscard/Mitterand versus BHL/Sollers/Eco, etc. pour mettre la main sur ce graal de la rhétorique. Et donc, au coeur du livre, on trouve ce pauvre commissaire Bayard qui ne comprend rien à la linguistique et à la foire d'empoigne de ces intellos de la french theory. Pour se dépêtrer de cette enquête, il va s'attacher les services d'un traducteur, Simon Herzog, jeune thésard de Vincennes. "Que savez-vous de la sémiologie ? — Euh, c'est l'étude de la vie des signes au sein de la vie sociale ? Bayard repense à son Roland Barthes sans peine. Il serre les dents. — Et en français ? — Mais ... c'est la définition de Saussure ... — Ce Chaussure, il connaît Barthes ? — Euh, non, il est mort, c'est l'inventeur de la sémiologie. — Hum, je vois. Mais Bayard ne voit rien du tout." Comme Bayard ne comprend rien, Simon poursuit ses explications : "En plus de leur utilité, les objets sont également dotés d'une valeur symbolique... comme s'ils étaient doués de parole, si vous voulez : ils nous disent des choses. Cette chaise, par exemple, sur laquelle vous êtes assis, avec son degré zéro du design, son mauvais bois vernis et son armature rouillée, nous dit que nous sommes dans une collectivité qui n'a aucun souci du confort ni d'esthétique et qui n'a pas d'argent. Ajoutées à cela, ces odeurs mélangées de mauvaise cantine et de cannabis nous indiquent que nous sommes dans un lieu universitaire." Voilà qui suffit à Bayard pour embarquer Simon sur les traces des assassins de Barthes dans un périple burlesque, où BHL tape du poing à tout venant en criant qu'il faut envahir le monde, où Serge Moati se gave de pépitos, où les espions bulgares se battent contre des ninjas ... Ils vont suivre la route des joutes oratoires du Logos Club, de Bologne à Venise, où certains perdent une phalange, Sollers ses testicules, et les lecteurs de nombreuses heures de rire.

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