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Le meilleur des mondes, Aldous Huxley

Dernière mise à jour : 23 janv. 2023


Visionnaire, passionné de biologie et investi dans les débats eugénistes qui animent l’époque, Huxley publie en 1932 ce récit dystopique où les hommes naissent conditionnés pour la servitude. La procréation naturelle a disparu pour laisser place aux bébés éprouvettes, fruits d’une sélection génétique minutieuse. Alphas, Alphas Plus, Bêtas, Bêtas Moins : le nouvel ordre social est ainsi défini par la science, qui formate et reproduit à l’infini les différentes castes d’une dictature heureuse.


Des armées d’ouvriers clonés voient ainsi le jour, programmés Epsilons pour satisfaire les besoins d’une société sous contrôle. À cet eugénisme s’ajoute la science comportementaliste, l’hypnopédie, qui les conditionne dès le plus jeune âge à la servitude volontaire de leur statut social. Au plus haut de l’échelle, les Alphas Plus ont reçu de la génétique les meilleures capacités intellectuelles. À l’inverse d’Orwell dans 1984, Huxley anticipe une société contrôlée par le plaisir et non par la souffrance. Gavée de sexe et de drogues euphorisantes, la population vit dans un confort ouaté qui empêche toute contestation. Qui en effet se révolterait contre le plaisir à la demande et l’apparence d’un bonheur permanent ?


Mais toute dictature garde en son sein une enclave de liberté, une zone oubliée qui échappe au contrôle global. Elle s’incarne ici dans la Réserve des sauvages où, comble de l’horreur pour l’Homme Moderne né des éprouvettes, hommes et femmes reproduisent les schémas de parentalité du vieux monde. On y accouche dans la douleur, on connaît la faim et on y prie Dieu. L’homme civilisé s’y rend en vacances, anthropologue curieux de ce qu'il appelle leur sous-développement. Mais lorsqu’un Sauvage est ramené dans le Nouveau Monde, son libre arbitre bouscule l’ordre établi :

"- Je n’en veux pas, du confort. Je veux Dieu, je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté. Je veux du péché.
- En somme, vous réclamez le droit d’être malheureux.
- Eh bien soit, je réclame le droit d’être malheureux.
- Sans parler du droit de vieillir, de devenir laid et impotent ; du droit d'avoir des poux ; du droit de vivre dans l’appréhension constante de ce qui pourra se produire demain ; du droit d’attraper la typhoïde ; du droit d’être torturé par des douleurs indicibles de toutes sortes.
- Je les réclame tous."

Faire disparaître la douleur du monde, mais à quel prix ? Dans une société qui s’étouffe de ses manuels de développement personnel, boulimique d’un bonheur en kit, obsédée par son bien-être et nombriliste jusqu’à la nausée, Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley a l’effet d’une gifle. Il n’y a qu’à voir les titres qui caracolent en tête des ventes : “Trouver sa place”, “ Le jour où j’ai appris à vivre”, “ Tout ce qui nous empêche d’être heureux et ce qu’il faut savoir pour l’être” : mais est-ce qu’être heureux ne commencerait pas par assimiler l’idée qu’il ne s’agit en rien un état constant ? Que le bonheur ne peut s’évaluer, s’incarner que dans la connaissance concrète de la douleur ? Et revenir aux classiques de la littérature, se rappeler les cris d’alerte lancés par quelques prophètes visionnaires, il y a presqu’un siècle ?



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