top of page
  • Photo du rédacteurle Bookinist

Le Soleil des Scorta - Laurent Gaudé


Montepuccio est un village typique des Pouilles, rempart de petites maisons blanches serrées les unes contre les autres, construites sur un promontoire dominant la mer, où "la terre est condamnée à brûler".


Si vous aimez le soleil, il faut lire ce livre. Mais attention : Laurent Gaudé ne parle pas ici d'un soleil artificiel pour touristes en tongs, le soleil des Scorta est sauvage, puissant, c'est une malédiction qui pèse sur une contrée aride, où "la pierre gémit de chaleur" et où "le soleil semble fendre la terre". Le décor est planté, place aux personnages : qui sont donc ces Scorta ? Une famille comme l'Italie les aime, des enfants de bandits, avec un nom maudit pour seul héritage, enracinés dans leurs terres du Sud où ils naissent, vivent et meurent.



La lignée des Scorta naît en 1875 lorsque le bandit Luciano Mascalzone revient à Montepuccio, après avoir purgé une longue peine de prison. Juché sur son âne, serpentant les collines, il vient conquérir la femme qui le tient éveillé la nuit depuis quinze ans. Les rues sont désertes et les volets clos : dans ce pays où le soleil rend fou, les heures de l’après-midi sont propices au crime discret. Mais la porte de Filomena s’ouvre sans résistance, et Luciano peut enfin assouvir son désir. De cette union va naître l’enfant du malheur, et la lignée des Scorta. Domenico, Giuseppe "pancia piena" et leur soeur Carmela sont au centre de cette fresque familiale. Déshérités par leur père, le fils de Luciano, parce que le crime coule dans leurs veines, ils tenteront de fuir à New-York au début des années 20, et reviendront au village quelques années plus tard ouvrir un bureau de tabac. La famille s'agrandit et se transmet l'histoire du nom, la fierté d'être un Scorta, l'appartenance aux Pouilles : "Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n'y a rien à faire. Nous l'aimons trop, cette terre. Elle n'offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d'entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, sa chaleur, nous l'avons en nous." L'histoire familiale sert de prétexte à l'exaltation de valeurs ancestrales, l'amour de la terre et la transmission. Ce livre est une déclaration d'amour à l'Italie, un hommage à son peuple rude, mais fier et généreux. Il y a des moments de grâce dans ce roman, comme ce passage admirable sur l'huile d'olive dont on ne saurait faire l'impasse: "C'est de l'or, disait l'oncle. Ceux qui disent que nous sommes pauvres n'ont jamais mangé un bout de pain baigné de l'huile de chez nous. C'est comme de croquer dans les collines d'ici. Ça sent la pierre et le soleil. Elle scintille. Elle est belle, épaisse, onctueuse. L'huile d'olive, c'est le sang de notre terre. Et ceux qui nous traitent de culs-terreux n'ont qu'à regarder le sang qui coule en nous. Il est doux et généreux." Il faut lire ce livre pour se souvenir ce que c'est que d'être vivant, pour sentir le vent qui remue les feuilles du figuier, pour connaître le parfum d'une tomate mûre. Et rendre ainsi grâce à la Méditerranée.

6 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comentarios


bottom of page