top of page
  • Photo du rédacteurle Bookinist

Nos richesses - Kaouther Adimi

Dernière mise à jour : 20 janv. 2022


L’Algérie, de nouveau, au hasard des lectures. La jeune auteur Kaouther Adimi offre une curiosité de la rentrée littéraire : roman, journal intime, biographie, portrait, manifeste ? Peu importe puisque cela donne un livre charmant, court, pictural, plein de sagesse.

Vous ne connaissiez ni Les Vraies Richesses ni Edmond Charlot, premier éditeur de Camus et de tant d’autres écrivains de la Méditerranée ? Tant mieux, car l’auteur semble se réjouir de nous entraîner vers cette porte méconnue de l’Histoire. Tout commence donc rue Hamani, ex-rue Charras, coeur nerveux du roman. Plantée là comme un décor de cinéma style Cinecittà, cette rue d'Alger voit défiler plusieurs générations qui ont à cœur de se transmettre l’histoire d’une librairie peu commune.


"Dès votre arrivée à Alger, il vous faudra prendre les rues en pente, les monter puis les descendre. […] Vous serez seul, car il faut être seul pour se perdre et tout voir. Vous grimperez les rues, pousserez les lourdes portes en bois qui ne sont jamais fermées à clé, caresserez l’impact laissé sur les murs par des balles qui ont fauché syndicalistes, artistes, militaires, enseignants, anonymes, enfants. Des siècles que le soleil se lève au-dessus des terrasses d’Alger et des siècles que nous assassinons sur ces mêmes terrasses."


Mais vous, vous emprunterez les ruelles qui font face au soleil, n’est-ce pas ? Vous parviendrez enfin rue Hamani, l’ex-rue Charras. Vous chercherez le 2 bis que vous aurez du mal à trouver car certains numéros n’existent plus. Vous serez face à une inscription sur une vitrine : Un homme qui lit en vaut deux. Face à l’Histoire, la grande, celle qui a bouleversé ce monde mais aussi la petite, celle d’un homme, Edmond Charlot, qui, en 1936, âgé de vingt et un ans, ouvrit la librairie de prêt Les Vraies Richesses. »


Edmond Charlot est jeune, presque chauve, et il bouillonne d’idées. Ce qu’il veut créer, c’est un espace qui ne soit pas seulement une librairie, mais un lieu d’échanges, d’idées, de culture, et surtout un système de prêt pour étudiants fauchés.

C'est ainsi qu'on retrouve Albert Camus assis sur les marches de la devanture, stylo en main, corrigeant ses manuscrits qu'il confiera à son ami libraire/éditeur/imprimeur multi-casquettes. Edmond Charlot va devenir le premier éditeur de la France Libre sous l'Occupation, quitte à publier Giono ou Roblès sur du papier multicolore (pénuries et restrictions obligent : on ne pense pas assez souvent au défi du papier pendant la guerre).

« J’ai pris contact avec Hachette, qui m’a ri au nez : ils n’ont plus de stock. Un distributeur sans livres, ça n’arrive jamais. Difficile à décrire. On est arrivés au bout de tout, je suis désespéré. Mes étagères sont presque vides. C’est d’une tristesse… Il faut redoubler d’ingéniosité pour publier quelques textes. Quand un livre est mis sur le marché, il est presque aussitôt épuisé ; mais je n’ai quasiment plus rien sur quoi imprimer. Comment vais-je survivre ?»

La guerre terminée, la situation se dégrade quand il part ouvrir une annexe des Vraies Richesses à Paris. Sa maison d'édition indépendante ne fait pas le poids devant les mastodontes que sont (toujours) Gallimard & Cie. Le visage de l'édition française n'a pas beaucoup changé en un demi-siècle.

Mais peu importe les grandeurs et misères du monde éditorial dans ce roman parabole : si Kaouther Adimi voulait faire passer un message, nous retiendrions "sauvons la culture, préservons la mémoire de ces lieux exceptionnels". Et pour marquer le coup, elle bondit en 2017, imagine un promoteur véreux rachetant la librairie pour la transformer en magasin de beignets. Un beignet, c'est trivial et ce n'est même pas algérien. L'image fonctionne et le lecteur observe avec amertume les vestiges de la librairie déversés sur le trottoir de la rue Hamani, sous le regard désapprobateur des habitants du quartier.


Ryad, l'étudiant qui a été engagé pour faire ce sale boulot et valider son stage estival, est allergique aux livres. Mais les habitants du quartier, gardiens de la mémoire du lieu, veillent au grain ...


15 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page